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Requête pour un Moratoire et un Programme particulier d'urbanisme (PPU) à la Traverse de Lévis
Recommandation pour le rejet du projet de règlement concernant diverses modifications au règlement RV-2011-11-31 portant sur le Plan d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) du secteur de la Traverse, demande d’un moratoire et d’un Programme particulier d’urbanisme (PPU)
par Yvan-M. Roy, 25 février 2013
Le contexte
Le secteur de la Traverse a fait partie autrefois du quartier Lauzon, l’un des trois quartiers qui ont été créés en 1861 lors de la fondation de Lévis. Pendant les cent premières années, la Traverse fut le principal quartier commercial et industriel de la ville, un lieu majeur dans la construction navale, les transports ferroviaires et routiers, un lieu de restauration, d’hébergement et d’habitation. J’appartiens à la dernière génération qui a connu le secteur de la Traverse avant la déstructuration débutée par la démolition du Bureau de poste de l’avenue Laurier, au milieu des années 50’, pour faire place à un stationnement.
Bien des bâtiments que les personnes de ma génération pouvaient encore voir au milieu du siècle dernier ont disparu. Le secteur a subi une mutation profonde causée par une série d’incendies et de démolitions, parfois injustifiées, le tout en parallèle avec une décroissance des activités qui en avaient fait un lieu central sur toute la rive droite du Saint-Laurent.
Il y a une quarantaine d’années, le ministère des Affaires culturelles a dressé un inventaire des bâtiments traditionnels dans le périmètre des anciens quartiers du Vieux-Lévis. L’inventaire a révélé la présence d’une forte concentration de constructions centenaires, construites au 19e siècle. Dans le secteur de la Traverse, il y fut noté des immeubles prestigieux, comme celui de la Halle Lauzon (1864), la Banque des Marchands (1875 – Hôtel Saint-Louis), le restaurant l’Escalier, sans oublier le complexe maritime A.C. Davie. L’inventaire identifia également une douzaine de bâtiments plus modestes situés dans la zone M2163.
Rive gauche, rive droite
La rive gauche : J’ai connu la Basse-Ville de Québec durant les années 50’, particulièrement les rues de la paroisse Notre-Dame des Victoires. La situation était semblable celle de la Traverse. Les immeubles étaient passablement délabrés, plusieurs laissés l’abandon. L’activité financière avait abandonné la rue Saint-Pierre. Le gouvernement du Québec vint en aide à la ville de Québec. Le projet de Place Royale fut réalisé. Plusieurs rues furent restaurées ou rénovées, dont Place Royale, Petit Champlain, Sault-au-Matelot, Saint-Pierre, Saint-Paul, Dalhousie, etc. Sauf quelques propriétés sous juridiction fédérale, les interventions et les constructions furent réalisées dans le cadre d’une réglementation stricte afin de conserver le caractère des lieux, l’esprit qui se dégageait des 17e, 18e et 19e siècles. Ce fut un coup de main extraordinaire pour l’industrie touristique régionale.
La rive droite : Dans le secteur de la Traverse, ce fut une toute autre histoire. En 1987, le service d’urbanisme de Lévis étudia les projets de deux promoteurs, l’un à l’ouest au pied de la côte Fréchette, l’autre à l’est au pied de la côte Bégin. Malgré plusieurs invitations à la prudence, la ville autorisa la construction des deux projets. Chacun des immeubles a constitué une coupure radicale avec l’image traditionnelle du secteur. Alors que la hauteur moyenne des bâtiments patrimoniaux était d’environ 10 mètres (+/- 33 pi.), sur 2 ou 3 étages), les bâtiments contemporains comptaient 6 étages, pour une hauteur voisinant 17 mètres (+/- 55 pi). La vue de la falaise fut obstruée à plus de 60%. Le volume des constructions nouvelles se caractérise par la démesure face aux constructions anciennes. Il y a autant de différence qu’il peut y en avoir entre une motocyclette et un camion, entre un cheval et un hippopotame. Des centaines d’unités de condominiums, d’une architecture contemporaine avec grandes fenestration, portes patios et balcons sur le fleuve apportent un contraste marqué avec des constructions patrimoniales classées, comme c’est le cas à côté du chantier A.C. Davie. Aujourd’hui, tout visiteur qui arrive par le traversier à la porte du Vieux-Lévis (la Traverse) se voit d’abord offrir la perspective d’un quartier central ayant conservé certaines traces du 19e siècle, le caractère et l’esprit du Vieux-Lévis, mais dont les extrémités sont flanquées de deux constructions contemporaines se démarquant par la démesure. Ce que le projet d’amendement propose, c’est de poursuivre la dénaturation de ce secteur patrimonial en permettant l’implantation au centre d’autres constructions de style contemporain, avec balcons et portes patio, dans cette zone habitable M2163 au sud de la rue Saint-Laurent. Bientôt, l’utilisation du terme ‘’ Vieux-Lévis’’ pour le positionnement touristique (branding) deviendra une imposture.
Le rendement de l’industrie touristique
Ce qui fait le caractère spécial de notre région, ce sont les montagnes, le fleuve, les falaises, l’histoire, les constructions publiques et privées des siècles passés, et bien sur, une campagne pittoresque à quelques minutes du centre urbain. Une atteinte aux éléments qui composent ce caractère est un frein au rendement de notre industrie touristique. Devant cette richesse, nous devons agir en tant que fiduciaires, non pas avec les pleins pouvoirs de propriétaires. C’est la nature du message que j’ai transmis par lettre au conseil de Lévis en juillet 1987 lorsque j’ai pris connaissance que la ville voulait autoriser la construction de deux projets comportant des centaines de condominiums de facture contemporaine dans le secteur de la Traverse. (Google : Projets immobiliers risqués – Le Soleil – juuillet 1987 )
Une coalition pour le capitalisme radical
Le projet d’amendement du PIIA répond aux pressions d’une coalition qui existe depuis 25 ans entre de grands promoteurs et de grands prêteurs hypothécaires pour s’opposer aux mesures et règles qui viendrait diminuer le rendement maximum des capitaux. Il s’agit d’une vue strictement matérialiste qui s’explique dans un cadre général, mais qui ne s’aurait trouver son application dans un contexte particulier et spécial, comme celui du Vieux-Québec, ou celui du Vieux-Lévis. Dernièrement, Lévis a rejeté l’offre du gouvernement québécois de créer dans le Vieux-Lévis un arrondissement historique, à l’image du Vieux-Québec. Lévis, ville de coopération, n’est-elle pas cet endroit en sol d’Amérique qui propose depuis cent ans d’humaniser le capitalisme. Une autre imposture, peut-être ?
Les consultations passées concernant la Traverse
Lors de la consultation sur l’élaboration du Plan d’aménagement de la bordure fluviale le 4 février 1991, j’ai présenté une demande de reconstruction du secteur de la Traverse, demande que j’ai reprise le 7 octobre 1992 lors de la consultation sur le premier Plan d’urbanisme de Lévis. Voici un extrait du mémoire déposé à cette date et qui peut être consulté sur Internet. (Google : Vieux-Lévis – Plan d’urbanisme – 7 octobre 1992)
‘’Les règlements proposés ne respectent pas le caractère historique du secteur où est née la corporation de la ville de Lévis, et où a débuté la dynamique économique de la population de Lévis. Le 5 février 1991, j’ai proposé à la ville de Lévis de diriger la réglementation dans le secteur de la Traverse pour redonner à ce secteur historique l’aspect qu’il avait à l’époque où ont vécu Allison Davie et Alphonse Desjardins.’’
La consultation du 25 juin 2009
Lors de la consultation du 25 juin 2009, j’ai demandé pour la nième fois de considérer la reconstruction de la Traverse comme elle se trouvait à l’époque d’Alphonse Desjardins, à l’âge d’or du Vieux-Lévis. Une vision romantique, nostalgique, mais certes opportuniste si l’on considère l’immense succès touristique que Québec a réussi avec Place Royale, le Vieux-Port et le Petit Champlain. La reconstruction de la Traverse, c’est de faire revivre un milieu très significatif pour les Lévisiens, et qui serait très attrayant autant pour les touristes québécois que pour ceux du monde entier. Le projet actuel manque de perspective et de vision.
Le groupe Daniel Arbour et Associés. (IBI/DAA)
En septembre dernier, les directions de l’urbanisme et du développement ont retenu les services de la firme Daniel Arbour et Ass. pour diriger les projets de construction dans les 3 zones du secteur de la Traverse, un contrat de 950 000 $ pour un projet de 19 000 000 $
En 1990, la firme DAA avait recommandé le développement d’un vaste quartier résidentiel sur les 312 acres de la Pointe-de-la-Martinière. Heureusement, la ville n’a pas retenu la recommandation. L’endroit est devenu un des plus beaux parcs thématique de la capitale nationale. En 2010, la direction de l’urbanisme a retenu les services de DAA pour diriger la consultation sur l’implantation d’un complexe de 150 condos et logements locatifs à quelques pas de la Halle Notre-Dame et du Manège militaire, deux immeubles à très haute valeur patrimoniale dans un des parties les plus prestigieuses du Vieux-Lévis.
L’initiative des modifications au règlement RV-2011-11-31 doit être attribuée au groupe Daniel Arbour et Associés.
CONSIDÉRATION : Je considère que les modifications demandées au règlement RV-2011-11-31 sur le PIIA dans le secteur de la Traverse sont dangereuses parce qu’elles attaquent gravement et sérieusement un secteur névralgique pour l’interprétation du Vieux-Lévis, dont l’architecture est marquée très fortement par des constructions du 19e siècle. Il n’y a aucune mesure de renforcement, non plus d’atténuation.
EN CONCLUSION, c’est pourquoi je demande au conseil de l’arrondissement Desjardins, de faire droit à ma demande et de la transmettre au conseil de ville, à savoir :
REJETER les modifications au règlement RV-2011-11-31;
DÉCRETER un moratoire sur le développement de la zone M2163;
ADOPTER un Programme particulier d’urbanisme (PPU) avec objet de restaurer le côté sud de la rue Saint-Laurent tel qu’il était l’époque d’Alphonse Desjardins;
CONSACRER les crédits nécessaires à la réalisation du PPU.
Yvan-M. Roy
(Signature)
Le 25 février 2013
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